Le livre du jour : La vérité sur Rocambole par Pierre Ponson du Terrail

Verdict : très bien

Suite au succès de sa série sur le personnage de Rocambole (six livres jusque là, trois autres suivrons), Pierre Ponson du Terrail fait paraître en 1867 ce petit roman pseudo autobiographique, supposé dépeindre non pas une aventure de Rocambole, mais les différentes occasions et opportunités qui auraient vu l’auteur rencontrer l’individu réel ayant inspiré ses romans qui seraient donc basés sur des faits réels, bien que les noms aient été changés, sauf pour l’un d’entre eux, pure invention. Il s’agit donc d’un roman très méta, dans lequel l’auteur se met lui-même en scène avec pas mal d’humour, et d’autocritique.

Débutée en 1857 dans la lignée des Mystères des Paris d’Eugène Sue (que j’ai lus quelques mois avant de commencer mon blog et que je n’avais pas vraiment aimés), la série sur Rocambole a connu un immense succès à l’époque, donnant même un nouveau mot à la langue française, l’adjectif « rocambolesque » (qui n’est pas vraiment un compliment ceci dit), et inspirant à son tour beaucoup les romans feuilletons français. D’autres noms plus tardifs comme Arsène Lupin, Fantômas ou Judex lui doivent sans doute beaucoup. C’est à ce titre, au moins, que je souhaitais donc connaître le personnages et ses romans.

Aujourd’hui Rocambole est bien moins connu et l’on conserve surtout de la littérature de cette époque une image sérieuse, même si populaire, avec des noms comme Dumas ou Verne, en oubliant au passage que Dumas par exemple s’était lui aussi mis en scène dans un de ses textes, jouant les acolytes d’un Edgar Poe qui prenait le rôle du chevalier Dupin dans une imitation de l’enquête de l’assassinat de la rue Morgue.

Bien que j’ai pris le premier volume sur lequel je suis tombé, et que celui-ci n’appartienne pas réellement à a série, ce fut une belle découverte car c’est un roman court, efficace, au style agréable et dans lequel l’auteur mélange (sans doute) la réalité et la fiction et établit de cette façon un canon de l’œuvre qui vient régler les inconsistances : l’un de ses romans est pure invention car il été pressurisé pour en écrire un mais n’avais plus rien à sa disposition, il a transformé et exagéré la réalité pour des raisons évidentes d’anonymat, et pour que tout sonne plus dramatique, sa source pour le premier roman est quelqu’un qui en voulait à Rocambole et cherchait à noircir une réalité déjà sombre, tandis que c’est Rocambole lui-même qui lui confie le reste de sa biographie à partir d’un moment …

Des excuses assez facile oui, mais qui témoignent d’un effort pour produire une œuvre cohérente, même à rebours, et le fait de l’avoir mis en scène dans un roman où il occupe le rôle principal est une idée que je ne peux qu’apprécier. La réalisation étant bonne, je n’ai pas grand chose en terme de plaintes.

Bon ce que la vérité sur Rocambole révèle sur la série est qu’il semble que « rocambolesque » ne soit pas sorti de nul part. Rocambole vit trop d’aventures, trop inattendues, incroyables, pour que la suspension volontaire d’incrédulité ne soit pas un minimum écorchée. Je ne m’attends donc pas au meilleur pour le reste de la série. Ce n’est pas trop grave : ça fait partie du genre, et j’apprécie, dans une certaine mesure.

Et puis tout passe mieux avec un peu d’humour et visiblement l’auteur sait en faire preuve. J’ai donc bon espoir.

Au final Rocambole me rappelle beaucoup Lupin, avec sans doute moins d’astuce, ses coups de théâtre étant constatés mais pas expliqués, tandis que Maurice Leblanc va plus dans le détail, et nous fait comprendre pourquoi son personnage agit de cette façon, et comment ça fait parti de ses manipulations et lui permet de s’en sortir. Ici pour autant que l’on puisse en juger sur un court roman qui est autant en dehors de la série que dedans, on est dans le spectaculaire mais pas l’astucieux. Pour autan il reste agréable de lire un « ancêtre » et y identifier des éléments qui seront repris dans des romans postérieurs que j’ai déjà lu, et de faire ainsi la connexion.

Pour aller plus loin :

L’auteur, Pierre Ponson du Terrail est à ne pas confondre avec Pierre Terrail de Bayard, le fameux chevalier sans peur et sans reproche qui serait, supposément, l’ancêtre de l’auteur.

Moins présent que d’autres héros, Rocambole apparaît tout de même un peu dans les Compagnons de l’ombre, ce serait un manque sinon, vu l’époque et vu son succès.

Et tout comme Judex dont je parlais hier, il apparaît également dans les livres de Xavier Fournier, étant un des ancêtres du genre des super-héros.

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