Le livre du jour : Hymne par Ayn Rand

Verdict : Passable si pris seul, mauvais dans le contexte.

Il est difficile de lire du Ayn Rand sans a priori, d’essayer de trouver la valeur du texte seul sans prendre en considération l’évolution de la pensée de l’auteur qui la mènera à être quasiment gourou d’une secte prônant égoïsme et capitalisme sauvage, ayant une croyance absolue en son propre jugement, symbole acclamé de tout ceux qui choisissent la facilité du « Je ».

Une couverture qui illustre bien.

Car l’hymne dont il est question est bien un hymne à l’égoïsme, qu’elle embrasse avec fierté.

Ce livre de 1938 est le deuxième roman d’Ayn Rand, il est issu, tout comme le reste de ce qu’elle a produit, du traumatisme subi dans sa jeunesse lors de la révolution bolchevique en Russie. Elle est en effet née à Saint-Pétersbourg, y a vécu et étudié jusqu’à sa fuite vers l’occident en 1925.

Dans ce livre, précurseur de 1984, elle dénonce un monde totalitaire, dystopique, où l’individu doit s’effacer devant « le bien public », et l’égalité est si révérée que le « je » n’existe plus et qu’il est interdit d’être plus grand, plus beau ou plus intelligent que les autres.

Face à un point de vue aussi extrême, reflet déformé mais non sans fondement d’un point de vue communiste, la défense de l’individu est justifiée. On peut même accepter le côté caricatural qui est parfois nécessaire pour illustrer un point … tant que le discours ne tombe pas dans la caricature opposée.

Là où 1984 nous propose un protagoniste « moyen », un homme ordinaire, reflet de sa société, Hymne ne fait pas dans le subtil. Le héros, qui se donnera lui même le nom de Prométhée, est beau, grand, fort et très intelligent. De lui même il réinvente l’égoïsme disparu, et se prépare à révolutionner le monde.

Bon, par goût personnel je préfère ce genre de héros, je dois l’admettre, à quoi bon nous conter un récit si c’est celui d’un minable et d’un perdant ? Encore faut-il qu’il y récit, et un minimum de réflexion, surtout sur un tel sujet. Je prends plaisir à lire Conan ou assimilé parce qu’il gagne, mais aussi parce que ses aventures sont dépaysantes, excitantes, et qu’il n’y a aucun message caché de l’auteur, ou de façon involontaire.

Hymne, fort heureusement, est un récit court, il est donc normal qu’on y trouve pas grand chose. Il est difficile de juger ce livre, car il est plus une introduction qu’une histoire. C’est un point de départ qui pourrait amener à plus : une mise en perspective à travers la résolution d’un conflit qui s’annonce, que ce soit dans les excès d’un héros incapable de digérer un traumatisme, ou au contraire dans une sagesse gagnée au cours de l’aventure qui lui permettrait d’équilibrer les choses.

Malheureusement, il n’y a rien de tel car la personne traumatisée au point de tomber dans la caricature inverse est l’auteur, mais ça c’est en dehors du livre.

Étant donné le peu de longueur du récit, il n’y a pas grand chose à dire de plus. A part son couple de protagoniste il n’y a aucun autre vrai personnage, même pas d’antagoniste, tous semblent mous et soumis, même chez les plus violents adversaires du héros qui semblent incapables de la moindre initiative. C’est sans doute voulu et fait parti du propos, mais n’aide pas le récit. Il est surprenant de la part d’une « philosophe » de ne pas chercher à comprendre pourquoi on en est arrivé là et qu’est ce qui ne convenait pas dans la société d’avant.

Ayn Rand a donc une seule chose à dire et la dit clairement.

Pour aller plus loin :

Ayn Rand, l’auteur, dont les fans sont bien souvent des fanatiques et qui est le centre d’un culte de la personnalité assez ironique quand on voit qu’elle promeut l’idée d’une pensée individuelle. J’aurais beaucoup à dire sur sa philosophie, l’objectivisme, mais cela dépasse trop largement des limites de l’Hymne.

En matière de critiques d’une dystopie possible 1984 est plus crédible, bien que pas assez, et pour ma part les propos du Meilleur des mondes m’ont toujours paru bien plus pertinents puisqu’il ne s’agit pas de dénoncer les problèmes du voisin d’en face (qui n’existe plus de toute façon), mais bien les méthodes de contrôle de population de notre société. Dans le genre j’avais déjà critiqué A l’aube des ténèbres, bien plus abouti à tout point de vue.

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