Le livre du jour : Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu par Karim Berrouka

Verdict : bien

Il s’agit d’un roman humoristique, paru en 2018, dans le genre thriller (ça existe les thrillers humoristiques ?) et qui se base sur la mythologie développée par H. P. Lovecraft, avec quelques adaptations historie de rester libre. L’intrigue se situe en France principalement, enfin à Paris, et à une époque contemporaine.

Le titre est ce qui m’a d’abord attiré dans ce livre, j’aime les histoires de Cthulhu, et si en lire une version moderne m’attire généralement moins, le côté humoristique parait assez rapidement ici. Ça aurait pu être l’indication d’un auteur qui n’a rien compris au genre, mais le résumé du livre confirme immédiatement que le ton est très léger, et qu’on est dans l’humour. Qui plus est il sous entend un mystère qui m’a donné envie d’en savoir plus.

La couverture avec elle aussi un côté mystérieux et qui m’a fait penser un peu à King-Kong, a elle aussi contribué à me donner envie.

Il n’est pas évident de traiter d’un monde fantastique, connu par des romans, quand on écrit un roman dérivé qui est supposé se passer dans le monde réel. Comment justifier par exemple que les livres Harry Potter soient disponibles dans le monde d’Harry Potter ? Bien souvent la solution est de dire que bien évidemment, ces livres ne sont jamais parus. Une autre solution est de d’inclure cette parution au récit, d’une façon détournée, c’est le cas dans les Sherlock Holmes. C’est une meilleure solution quand la publication même d’une œuvre a un tel succès qu’elle se met à avoir une incidence sur le monde réel, ne serait-ce que par l’aspect culturel.

Ici Lovecraft n’est donc pas ignoré, ses livres sont considérés comme une bonne source sur la mythologie, tout en étant remplis d’erreurs. Les différents « savants » ne sont d’ailleurs pas d’accord sur ces erreurs. La justification est parfois limite car il existe une société Dagon à Paris par exemple, qui sert de couverture à un secte de profonds, et vu le succès de Lovecraft dans le monde réel, je ne crois pas qu’ils pourraient réellement se dissimuler de cette façon. Globalement il faut quand même croire que Lovecraft est bien moins célèbre dans ce monde qu’il ne l’est en réalité, mais ça passe.

Nous suivons les aventures d’Ingrid, une jeune femme célibataire qui survit plutôt bien, d’un emploi précaire à un autre, et se retrouve sans le vouloir au cœur d’une mystérieuse conspiration, rassemblant cinq sectes plus étranges les unes que les autres, plus quelques allumés qui s’affirment neutres au milieu de tout ça. Et bien sûr tous tiennent absolument à la mêler à cette affaire alors qu’elle n’a aucune envie de s’y intéresser.

Elle se retrouve capturée par la DGSE, enlevée, employée, séduite, harcelée, invitée pour des vacances dans en crête dans un camp de partouzeurs, bref de nombreuses péripéties qu’elle prend fort heureusement avec philosophie.

D’autant que si les choses paraissent relativement bénignes au premier abord, – bon moi si j’étais abordé dans le métro par un type qui prétend que je suis le centre du pentacle, je ferais quand même de mon mieux pour l’éviter par la suite, parce qu’on ne se méfie jamais trop des illuminés – la situation devient quand même très sérieuse quand on progresse dans le roman.

En faisant le choix de piocher ce qui est canon pour son univers et ce qui ne l’est pas dans les écrits de Lovecraft, l’auteur choisit un peu la facilité, et c’est un peu frustrant pour le lecteur car il y a toujours la possibilité que la résolution d’un mystère ou d’une situation dépende d’un élément magique qu’on ne maîtrise pas. Heureusement il n’y a aucune exagération à ce niveau, et rien ne sort de nul part, mais l’esprit est plus respecté que la lettre. L’intrigue, qui reste assez simple, n’y gagne pas, et au final c’est sympa, mais pas extraordinaire.

Il en va de même pour le style, j’aime bien l’aspect léger et humoristique, mais on a par moment l’impression que l’héroïne elle même prend les choses trop à la légère, au lieu de réagir de façon réaliste et paniquer parce que la situation est parfois réellement inquiétante.

Il y a quelques descriptions que j’ai adorées, comme le temple des hommes poissons à Paris, mais dans l’ensemble c’est une écriture directe, qui prend régulièrement des raccourcis pour expliquer plutôt que montrer. J’ai trouvé l’intro très maladroite d’ailleurs avec des adresses directes au lecteur qui permettent, je pense, d’alléger le texte, mais ne collent pas au reste. Ça reste agréable à lire une fois qu’on est dedans, et c’est d’autant plus appréciable pour un auteur amateur comme moi car ça me donne l’impression qu’écrire un roman ne nécessite pas forcément d’avoir une excellente plume : le résultat final est bon alors que le style de l’auteur pourrait être qualifié de punk.

Malgré un style rapide, direct, il y a quelques longueurs dans la deuxième moitié du roman. Une fois les différentes factions introduites, ça patine. Il y a de l’action, mais c’est trop compliqué pour un résultat qui est déjà quasiment acquis dès le départ. Les manigances, tricheries, et autres se révèlent anecdotiques, voir inutiles, et sans investissement ces différents rebondissement font juste remplissage.

En l’occurrence, ça reste une bonne lecture, mais déjà limite, plus aurait vraiment été trop.

Pour aller plus loin :

Karim Berrouka est par ailleurs chanteur de Ludwig von 88, dont j’ai du posséder un CD à un moment, il est aussi l’auteur d’autres romans humoristiques et parodiques. Il a également un blog.

Si il y en a marre de Cthulhu, on peut aussi passer une année sans Cthulhu … Critique à venir ici car je l’ai lu récemment.

2 commentaires sur « Le livre du jour : Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu par Karim Berrouka »

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