Le livre du jour : Arzach par Mœbius

Verdict : bien.

Arzach est une BD parue initialement en 1975-76, et qui est le reflet de cette époque aventureuse. A cette époque, Mœbius n’est encore connu que sous son vrai nom, Jean Giraud et principalement pour son travail comme dessinateur de Blueberry. Cherchant à faire quelque chose de différent, il crée dans les pages de Métal Hurlant les courts épisodes d’une série révolutionnaire : Arzach.

Arzach ce sont cinq histoires courtes, initialement, dans lesquelles l’auteur se laisse libre court à son imagination, sans se fixer de règles apparentes, et le résultat est unique et surprenant. Des dessins très travaillés, sans le moindre texte, ni description ni dialogue, avec un personnage récurrent qui chevauche une sorte de ptérosaure mi-animal mi-machine.

Le titre même varie d’un épisode à l’autre, et le protagoniste de ces histoires courtes n’a rien d’héroïque. Il y a du sexe, il y a de la violence, et il y a de l’humour, mais tout est décalé, incongru.

Même si les dessins sont très travaillés, ils sont faits à l’instinct, et il n’y a pas de recherche volontaire d’un thème particulier, ou pour produire quelque chose de cool ou d’impressionnant. Le ptéroïde est blanchâtre, court et épais, il n’apparaît ni rapide ni dangereux, ni mignon, ni rien, aucune des qualités qu’on essaye de trouver généralement dans les montures des récits fantastiques ou de science-fiction. Il en est de même pour le protagoniste, à la tenue étrange, avec une silhouette facilement reconnaissable mais qui semble plutôt ridicule au premier abord. Et pourtant il se dégage de ce couple une fascination étrange.

Le tout est très onirique, ce sont des histoires qui n’en sont pas vraiment, avec des évènements qui sont clairs de façon individuels mais dont le contexte global nous échappe ou n’a aucun sens. Il y a ce paradoxe d’avoir des actions qui ont un sens dans un contexte qui n’en a pas. On est donc pas dans l’absurde total, mais plutôt dans un rêve ou un délire psychédélique.

Cette série est largement considérée comme une révolution dans le domaine de la BD, et a valu à son créateur une réputation qui dépasse largement le cadre de la BD européenne. De nombreux auteurs de BD, de mangas et de comics citent Arzach comme une influence sur leur travail, mais pas que : Georges Lucas, Steven Spielberg ou Ridley Scott se disent fan du dessinateur, rien que ça. Nausicaä de la vallée du vent, du célèbre réalisateur Hayao Miyazaki est clairement influencé par Arzak.

Ça fait beaucoup pour cinq petites histoires, et pour ma part, je les apprécie mais il me manque sans doute quelque chose pour y voir la révolution qu’elles furent. Peut être est-ce une question de génération ? Ou de drogue, ce qui revient un peu au même ? Ou peut être ne suis-je pas assez dessinateur pour comprendre le génie de Mœbius. Ça ne m’empêche d’y voir tout de même une qualité unique, et de comprendre partiellement la fascination que ces récits semblent inspirer et qui ont leur ont valu tant d’hommages.

Pour aller plus loin :

Le succès d’Harzack a ouvert la voie a de nombreuses opportunités pour Mœbius, avec Hollywood, ce qui l’a amené à collaborer sur Alien, et à développer avec Jodorowsky la célèbre BD l’Incal.

C’est également ce qui lui a permis d’être un des premiers européens à travailler avec Marvel sur des comics américains, en l’occurrence sur le Silver Surfer.

Après Arzack il a enchaîné avec une série où apparaît le personnage de Jerry Cornelius, un personnage libre de droit offert par Michael Moorcock.

En conséquence de tout ça, Mœbius/Jean Giraud est sans doute le dessinateur de BD européen le plus connu dans le monde, après Hergé.

Quelques histoires additionnelles ont été dessinées pour Harzak, jusqu’en 2010 avec Arzak: L’Arpenteur, qui devait connaître des suites, mais malheureusement la mort de l’auteur a tout arrêté.

Une des histoires du film Heavy Metal est une adaptation (très libre, mais on reconnaît le ptéroïde) de cette BD.

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